Suite à l’incendie du « CUBA CLUB » à Rouen, il y a beaucoup d’interrogations sur la propagation extrêmement rapide du feu. Comment cela se fait-il ??
LES AMENAGEMENTS INTERIEURS :
L’incendie survenu dans ce type d’établissement n’est pas une première en soi. En effet d’autres incendies de ce genre sont déjà survenus dans des conditions similaires où l’embrasement des matériaux de « décorations » et de « revêtement » ont largement contribué à une propagation rapide du feu.
Il faut savoir que, dans un Etablissement Recevant du Public (E.R.P), il y a lieu de respecter les dispositions relatives à ce genre de matériaux. Pour éviter le développement rapide d’un incendie, qui pourrait compromettre l’évacuation du public, les parois intérieures finies (parois y compris leurs finitions), l’agencement, le gros mobilier et la décoration doivent répondre à certaines conditions, en référence aux dispositions des articles AM de l’arrêté du 25 juin 1980 modifié.
Cette caractéristique de comportement au feu fait l’objet de deux classifications distinctes :
- L’une s’exprime en termes de classes et s’applique aux produits de construction dès lors qu’ils relèvent d’une famille objet d’une spécification technique harmonisée ; cette classification est donnée à l’annexe 1 de l’arrêté du 21 novembre 2002 modifié relatif à la réaction au feu des produits de construction et d’aménagement et fait l’objet de la norme NF EN 13501-1 (9 / 2007) ;
- L’autre s’exprime en termes de catégories ; elle s’applique aux matériaux d’aménagement, de décoration et à ceux qui constituent le gros mobilier ; cette classification est donnée à l’annexe 2 de l’arrêté précité et fait l’objet de la norme NF P 92-507 (2 / 2004).
Lorsqu’il n’existe pas de spécification technique harmonisée applicable à une famille donnée de produits de construction, la performance de réaction au feu des produits de cette famille peut être établie selon l’une ou l’autre des classifications précitées.
En clair, les matériaux utilisés pour garnir le sol, les murs et les plafonds doivent avoir un « degré » de réaction au feu qui limitera de façon non négligeable, la propagation d’un incendie. (Voir également article « Maison en bois danger ? » archive juillet 20012)
Pour faire simple, les critères de réaction au feu sont classés en 5 catégories qui sont M0, M1, M2, M3 et M4, associés aux équivalences Européennes en terme de A1, A2, B, C, D, E, appelées « Euro classes »
Ces critères définissent les matériaux « facilement inflammable (M4), moyennement inflammable (M3), difficilement inflammable (M2), ininflammable et incombustible (M1 et M0)
Dans la pratique, les revêtements de sols seront de catégorie M4, les murs de catégorie M2, les plafonds de catégorie M0 ou M1 et les éléments de décoration de catégorie M3.
Dans le cas de l’établissement de Rouen, il semble que les éléments muraux et de plafonds étaient constitués de polystyrène et de carton, correspondant à une classification M4 ce qui expliquerait, en partie, cette propagation fulgurante.
Il faut savoir que cet établissement recevait moins de 200 personnes en simultané et était donc classé dans les E.R.P de 5ème catégorie, dit « petit établissement ». Il relevait donc de l’arrêté du 22 juin 1990 modifié qui, dans son article PE 13 relatif aux aménagements intérieurs, reprend les dispositions des articles AM de l’arrêté du 25 juin 1980 précité.
VERIFICATION :
Compte tenu du classement en 5ème catégorie, cet établissement n’était pas soumis aux visites de sécurité avant ouverture ni périodique faites par la commission de sécurité, sauf si le Maire en fait la demande, conformément au décret du 8 mars 1995 modifié relatif au fonctionnement des commissions de sécurité (voir l’article sur ce sujet, « les commissions de sécurité, comment ça marche ? » archive de janvier 2011)
Néanmoins l’exploitant est tenu de respecter les dispositions du règlement de sécurité incendie en référence à l’article R.123-43 du Code de la Construction et de l’Habitation qui précise :
« Les constructeurs, installateurs et exploitants sont tenus, chacun en ce qui le concerne, de s’assurer que les installations ou équipements sont établis, maintenus et entretenus en conformité avec les dispositions de la présente réglementation. A cet effet, ils font respectivement procéder pendant la construction et périodiquement en cours d’exploitation aux vérifications nécessaires par les organismes ou personnes agréés dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’intérieur »
PROPAGATION :
Il faut savoir que lors d’un incendie se ne sont pas les flammes le plus dangereux mais les fumées. En effet, arrivées à une certaine température celles-ci s’enflamment de façon extrêmement rapide, c’est ce que l’on appelle l’embrasement généralisé ou « FLASH OVER » la vidéo ci-dessous est explicite. « Voir plus de vidéos similaires sur l’article « vidéos et cas concrets archive du 10/2010)
Conclusion :
Oui il est vrai que l’exploitant a une grosse part de responsabilité dans ce drame qui a couté la vie à 13 personnes, mais la méconnaissance de la réglementation sur la sécurité incendie dans les E.R.P est souvent constatée au sein des exploitants et responsables d’établissements recevant du public.
Pour ma part je pense que pour combler cette lacune, mainte fois constatée, les pouvoirs publics devraient mener une prévention adaptée et constructive dans ce domaine.
La participation, par exemple, des SDIS à des réunions ou des assemblées générales des syndicats hôteliers et restaurateurs me semblerait aller dans ce sens. Certes ce ne sera pas une réussite à 100%, car le risque zéro n’existe pas, mais cela aurait au moins le mérite d’exister.
Bruno